Carta de Fenelon à Lluis XIV.
FÉNELON Lettre à Louis XIV
Fénelon envoya anonymement cette lettre en 1694 à Madame de Maintenon, épouse du roi, alors qu'il était précepteur du duc de Bourgogne. On ne sait si le monarque eut connaissance de cette missive qui prônait si dignement la vertu politique contre le souci de la gloire et l'appétit des conquêtes. Fénelon reviendra sur les thèmes défendus ici avec clarté et hauteur dans les Aventures de Télémaque (1699).
La personne, Sire, qui prend la liberté de vous écrire cette lettre, n'a aucun intérêt en ce monde. Elle ne l'écrit ni par chagrin, ni par ambition, ni par envie de se mêler des grandes affaires. Elle vous aime sans être connue de vous; elle regarde Dieu en votre personne. Avec toute votre puissance vous ne pouvez lui donner aucun bien qu'elle désire, et il n'y a aucun mal qu'elle ne souffrît de bon cœur pour vous faire connaître les vérités nécessaires à votre salut. Si elle vous parle fortement, n'en soyez pas étonné, c'est que la vérité est libre et forte. Vous n'êtes guère accoutumé à l'entendre. Les gens accoutumés à être flattés prennent aisément pour chagrin, pour âpreté et pour excès, ce qui n'est que la vérité toute pure. C'est la trahir que de ne vous la montrer pas dans toute son étendue. Dieu est témoin que la personne qui vous parle, le fait avec un cœur plein de zèle, de respect, de fidélité et d'attendrissement sur tout ce qui regarde votre véritable intérêt.
Vous êtes né, Sire, avec un cœur droit et équitable; mais ceux qui vous ont élevé ne vous ont donné pour science de gouverner, que la défiance, la jalousie, l'éloignement de la vertu, la crainte de tout mérite éclatant, le goût des hommes souples et rampants, la hauteur, et l'attention à votre seul intérêt.
Depuis environ trente ans, vos principaux ministres ont ébranlé et renversé toutes les anciennes maximes de l'État, pour faire monter jusqu'au comble votre autorité, qui était devenue la leur parce qu'elle était dans leurs mains. On n'a plus parlé de l'État ni des règles; on n'a parlé que du Roi et de son bon plaisir. On a poussé vos revenus et vos dépenses à l'infini. On vous a élevé jusqu'au ciel, pour avoir effacé, disait-on, la grandeur de tous vos prédécesseurs ensemble, c'est-à-dire, pour avoir appauvri la France entière, afin d'introduire à la cour un luxe monstrueux et incurable. Ils ont voulu vous élever sur les ruines de toutes les conditions de l'État : comme si vous pouviez être grand en ruinant tous vos sujets sur qui votre grandeur est fondée. Il est vrai que vous avez été jaloux de l'autorité, peut-être même trop dans les choses extérieures; mais pour le fond, chaque ministre a été le maître dans l'étendue de son administration. Vous avez cru gouverner, parce que vous avez réglé les limites entre ceux qui gouvernaient. Ils ont bien montré au public leur puissance, et on ne l'a que trop sentie. Ils ont été durs, hautains, injustes, violents, de mauvaise foi. Ils n'ont connu d'autre règle, ni pour l'administration du dedans de l'État, ni pour les négociations étrangères, que de menacer, que d'écraser, que d'anéantir tout ce qui leur résistait. Ils ne vous ont parlé, que pour écarter de vous tout mérite qui pouvait leur faire ombrage. Ils vous ont accoutumé à recevoir sans cesse des louanges outrées qui vont jusqu'à l'idolâtrie, et que vous auriez dû, pour votre honneur, rejeter avec indignation.
On a rendu votre nom odieux, et toute la nation française insupportable à tous nos voisins. On n'a conservé aucun ancien allié, parce qu'on n'a voulu que des esclaves. On a causé depuis plus de vingt ans des guerres sanglantes. Par exemple, Sire, on fit entreprendre à Votre Majesté, en 1672, la guerre de Hollande pour votre gloire, et pour punir les Hollandais, qui avaient fait quelque raillerie, dans le chagrin où on les avait mis en troublant les règles du commerce établies par le cardinal de Richelieu. Je cite en particulier cette guerre, parce qu'elle a été la source de toutes les autres. Elle n'a eu pour fondement qu'un motif de gloire et de vengeance, ce qui ne peut jamais rendre une guerre juste; d'où il s'ensuit que toutes les frontières que vous avez étendues par cette guerre sont injustement acquises dans l'origine. Il est vrai, Sire, que les traités de paix subséquents semblent couvrir et réparer cette injustice, puisqu'ils vous ont donné les places conquises : mais une guerre injuste n'en est pas moins injuste pour être heureuse. Les traités de paix signés par les vaincus ne sont point signés librement. On signe le couteau sous la gorge; on signe malgré soi pour éviter de plus grandes pertes; on signe, comme on donne sa bourse, quand il faut donner ou mourir. Il faut donc, Sire, remonter jusqu'à cette origine de la guerre de Hollande, pour examiner devant Dieu toutes vos conquêtes.
Il est inutile de dire qu'elles étaient nécessaires à votre État : le bien d'autrui ne nous est jamais nécessaire. Ce qui nous est véritablement nécessaire, c'est d'observer une exacte justice. Il ne faut pas même prétendre que vous soyez en droit de retenir toujours certaines places, parce qu'elles servent à la sûreté de vos frontières. C'est à vous à chercher cette sûreté par de bonnes alliances, par votre modération, ou par les places que vous pouvez fortifier derrière; mais enfin, le besoin de veiller à notre sûreté ne nous donne jamais un titre de prendre la terre de notre voisin. Consultez là-dessus des gens instruits et droits ; ils vous diront que ce que j'avance est clair comme le jour.
En voilà assez, Sire, pour reconnaître que vous avez passé votre vie entière hors du chemin de la vérité et de la justice, et par conséquent hors de celui de l'Évangile. Tant de troubles affreux qui ont désolé toute l'Europe depuis plus de vingt ans, tant de sang répandu, tant de scandales commis, tant de provinces ravagées, tant de villes et de villages mis en cendres, sont les funestes suites de cette guerre de 1672, entreprise pour votre gloire et pour la confusion des faiseurs de gazettes et de médailles de Hollande. Examinez, sans vous flatter, avec des gens de bien, si vous pouvez garder tout ce que vous possédez en conséquence des traités auxquels vous avez réduit vos ennemis par une guerre si mal fondée.
Elle est encore la vraie source de tous les maux que la France souffre. Depuis cette guerre, vous avez toujours voulu donner la paix en maître, et imposer les conditions, au lieu de les régler avec équité et modération. Voilà ce qui fait que la paix n'a pu durer. Vos ennemis, honteusement accablés, n'ont songé qu'à se relever et qu'à se réunir contre vous. Faut-il s'en étonner ? Vous n'avez pas même demeuré dans les termes de cette paix que vous aviez donnée avec tant de hauteur. En pleine paix vous avez fait la guerre et des conquêtes prodigieuses. Vous avez établi une chambre des réunions, pour être tout ensemble juge et partie : c'était ajouter l'insulte et la dérision à l'usurpation et à la violence. Vous avez cherché, dans le traité de Westphalie, des termes équivoques pour surprendre Strasbourg. Jamais aucun de vos ministres n'avait osé, depuis tant d'années, alléguer ces termes dans aucune négociation, pour montrer que vous eussiez la moindre prétention sur cette ville. Une telle conduite a réuni et animé toute l'Europe contre vous. Ceux mêmes qui n'ont pas osé se déclarer ouvertement, souhaitent du moins avec impatience votre affaiblissement et votre humiliation, comme la seule ressource pour la liberté et pour le repos de toutes les nations chrétiennes. Vous qui pouviez, Sire, acquérir tant de gloire solide et paisible à être le père de vos sujets et l'arbitre de vos voisins, on vous a rendu l'ennemi commun de vos voisins, et on vous expose à passer pour un maître dur dans votre royaume.
Le plus étrange effet de ces mauvais conseils, est la durée de la ligue formée contre vous. Les alliés aiment mieux faire la guerre avec perte, que de conclure la paix avec vous, parce qu'ils sont persuadés, sur leur propre expérience, que cette paix ne serait point une paix véritable, que vous ne la tiendriez non plus que les autres, et que vous vous en serviriez pour accabler séparément sans peine chacun de vos voisins, dès qu'ils se seraient désunis. Ainsi, plus vous êtes victorieux, plus ils vous craignent et se réunissent pour éviter l'esclavage dont ils se croient menacés. Ne pouvant vous vaincre, ils prétendent du moins vous épuiser à la longue. Enfin ils n'espèrent plus de sûreté avec vous, qu'en vous mettant dans l'impuissance de leur nuire. Mettez-vous, Sire, un moment à leur place, et voyez ce que c'est que d'avoir préféré son avantage à la justice et à la bonne foi.
Cependant vos peuples, que vous devriez aimer comme vos enfants, et qui ont été jusqu'ici si passionnés pour vous, meurent de faim. La culture des terres est presque abandonnée, les villes et les campagnes se dépeuplent ; tous les métiers languissent et ne nourrissent plus les ouvriers. Tout commerce est anéanti. Par conséquent vous avez détruit la moitié des forces réelles du dedans de votre État, pour faire et pour défendre de vaines conquêtes au-dehors. Au lieu de tirer de l'argent de ce pauvre peuple, il faudrait lui faire l'aumône et le nourrir. La France entière n'est plus qu'un grand hôpital désolé et sans provisions. Les magistrats sont avilis et épuisés. La noblesse, dont tout le bien est en décret, ne vit que de lettres d'État. Vous êtes importuné de la foule des gens qui demandent et qui murmurent. C'est vous-même, Sire, qui vous êtes attiré tous ces embarras; car, tout le royaume ayant été ruiné, vous avez tout entre vos mains, et personne ne peut plus vivre que de vos dons. Voilà ce grand royaume si florissant sous un roi qu'on nous dépeint tous les jours comme les délices du peuple, et qui le serait en effet si les conseils flatteurs ne l'avaient point empoisonné.
Le peuple même (il faut tout dire), qui vous a tant aimé, qui a eu tant de confiance en vous, commence à perdre l'amitié, la confiance, et même le respect. Vos victoires et vos conquêtes ne le réjouissent plus; il est plein d'aigreur et de désespoir. La sédition s'allume peu à peu de toutes parts. Ils croient que vous n'avez aucune pitié de leurs maux, que vous n'aimez que votre autorité et votre gloire. Si le Roi, dit-on, avait un cœur de père pour son peuple, ne mettrait-il pas plutôt sa gloire à leur donner du pain, et à les faire respirer après tant de maux, qu'à garder quelques places de la frontière, qui causent la guerre ? Quelle réponse à cela, Sire ? Les émotions populaires, qui étaient inconnues depuis si longtemps, deviennent fréquentes. Paris même, si près de vous, n'en est pas exempt. Les magistrats sont contraints de tolérer l'insolence des mutins, et de faire couler sous main quelque monnaie pour les apaiser ; ainsi on paye ceux qu'il faudrait punir. Vous êtes réduit à la honteuse et déplorable extrémité, ou de laisser la sédition impunie et de l'accroître par cette impunité, ou de faire massacrer avec inhumanité des peuples que vous mettez au désespoir en leur arrachant, par vos impôts pour cette guerre, le pain qu'ils tâchent de gagner à la sueur de leurs visages.
Mais, pendant qu'ils manquent de pain, vous manquez vous-même d'argent, et vous ne voulez pas voir l'extrémité où vous êtes réduit. Parce que vous avez toujours été heureux, vous ne pouvez vous imaginer que vous cessiez jamais de l'être. Vous craignez d'ouvrir les yeux; vous craignez qu'on ne vous les ouvre; vous craignez d'être réduit à rabattre quelque chose de votre gloire. Cette gloire, qui endurcit votre cœur, vous est plus chère que la justice, que votre propre repos, que la conservation de vos peuples qui périssent tous les jours des maladies causées par la famine, enfin que votre salut éternel, incompatible avec cette idole de gloire.
Voilà, Sire, l'état où vous êtes. Vous vivez comme ayant un bandeau fatal sur les yeux ; vous vous flattez sur les succès journaliers qui ne décident rien, et vous n'envisagez point d'une vue générale le gros des affaires, qui tombe insensiblement sans ressource. Pendant que vous prenez, dans un rude combat, le champ de bataille et le canon de l'ennemi, pendant que vous forcez les places, vous ne songez pas que vous combattez sur un terrain qui s'enfonce sous vos pieds, et que vous allez tomber malgré vos victoires.
Tout le monde le voit, et personne n'ose vous le faire voir. Vous le verrez peut-être trop tard. Le vrai courage consiste à ne se point flatter, et à prendre un parti ferme sur la nécessité. Vous ne prêtez volontiers l'oreille, Sire, qu'à ceux qui vous flattent de vaines espérances. Les gens que vous estimez les plus solides sont ceux que vous craignez et que vous évitez le plus. Il faudrait aller au-devant de la vérité, puisque vous êtes roi, presser les gens de vous la dire sans adoucissement, et encourager ceux qui sont trop timides. Tout au contraire, vous ne cherchez qu'à ne point approfondir; mais Dieu saura bien enfin lever le voile qui vous couvre les yeux, et vous montrer ce que vous évitez de voir. Il y a longtemps qu'il tient son bras levé sur vous, mais il est lent à vous frapper, parce qu'il a pitié d'un prince qui a été toute sa vie obsédé de flatteurs, et parce que, d'ailleurs, vos ennemis sont aussi les siens. Mais il saura bien séparer sa cause juste, d'avec la vôtre qui ne l'est pas, et vous humilier pour vous convertir ; car vous ne serez chrétien que dans l'humiliation. Vous n'aimez point Dieu ; vous ne le craignez même que d'une crainte d'esclave; c'est l'enfer, et non pas Dieu, que vous craignez. Votre religion ne consiste qu'en superstitions, en petites pratiques superficielles. Vous êtes comme les Juifs dont Dieu dit : Pendant qu'ils m'honorent des lèvres, leur cœur est loin de moi. Vous êtes scrupuleux sur des bagatelles, et endurci sur des maux terribles. Vous n'aimez que votre gloire et votre commodité. Vous rapportez tout à vous, comme si vous étiez le Dieu de la terre, et que tout le reste n'eût été créé que pour vous être sacrifié. C'est, au contraire, vous que Dieu n'a mis au monde que pour votre peuple. Mais hélas ! vous ne comprenez point ces vérités : comment les goûteriez-vous ? Vous ne connaissez point Dieu, vous ne l'aimez point, vous ne le priez point du cœur, et vous ne faites rien pour le connaître.
Vous avez un archevêque1 corrompu, scandaleux, incorrigible, faux, malin, artificieux, ennemi de toute vertu, et qui fait gémir tous les gens de bien. Vous vous en accommodez, parce qu'il ne songe qu'à vous plaire par ses flatteries. Il y a plus de vingt ans qu'en prostituant son honneur il jouit de votre confiance. Vous lui livrez les gens de bien, vous lui laissez tyranniser l'Église, et nul prélat vertueux n'est traité aussi bien que lui.
Pour votre confesseur2, il n'est pas vicieux ; mais il craint la solide vertu et il n'aime que les gens profanes et relâchés : il est jaloux de son autorité, que vous avez poussée au-delà de toutes les bornes. Jamais confesseurs des rois n'avaient fait seuls les évêques, et décidé de toutes les affaires de conscience. Vous êtes seul en France, Sire, à ignorer qu'il ne sait rien, que son esprit est court et grossier et qu'il ne laisse pas d'avoir son artifice avec cette grossièreté d'esprit. Les Jésuites mêmes le méprisent, et sont indignés de le voir si facile à l'ambition ridicule de sa famille. Vous avez fait d'un religieux un ministre d'État Il ne se connaît point en hommes, non plus qu'en autre chose. Il est la dupe de tous ceux qui le flattent et lui font de petits présents. Il ne doute ni n'hésite sur aucune question difficile. Un autre très droit et très éclairé n'oserait décider seul. Pour lui, il ne craint que d'avoir à délibérer avec des gens qui sachent les règles. Il va toujours hardiment sans craindre de vous égarer ; il penchera toujours au relâchement, et à vous entretenir dans l'ignorance. Du moins il ne penchera aux partis conformes aux règles, que quand il craindra de vous scandaliser. Ainsi, c'est un aveugle qui en conduit un autre, et, comme dit Jésus-Christ, ils tomberont tous deux dans la fosse.
Votre archevêque et votre confesseur vous ont jeté dans les difficultés de l'affaire de la Régale, dans les mauvaises affaires de Rome ; ils vous ont laissé engager par M. de Louvois dans celle de Saint-Lazare, et vous auraient laissé mourir dans cette injustice, si M. de Louvois eût vécu plus que vous.
On avait espéré, Sire, que votre conseil vous tirerait de ce chemin si égaré ; mais votre conseil n'a ni force ni vigueur pour le bien. Du moins madame de M[aintenon] et M. le D. de B[eauvillier] devraient-ils se servir de votre confiance en eux pour vous détromper ; mais leur faiblesse et leur timidité les déshonorent, et scandalisent tout le monde. La France est aux abois ; qu'attendent-ils pour vous parler franchement ? Que tout soit perdu ? Craignent-ils de vous déplaire ? Ils ne vous aiment donc pas; car il faut être prêt à fâcher ceux qu'on aime, plutôt que de les flatter ou de les trahir par son silence. À quoi sont-ils bons, s'ils ne vous montrent pas que vous devez restituer les pays qui ne sont pas à vous, préférer la vie de vos peuples à une fausse gloire, réparer les maux que vous avez faits à l'Église, et songer à devenir un vrai chrétien avant que la mort vous surprenne ? Je sais bien que, quand on parle avec cette liberté chrétienne, on court risque de perdre la faveur des rois ; mais votre faveur leur est-elle plus chère que votre salut ? Je sais bien aussi qu'on doit vous plaindre, vous consoler, vous soulager, vous parler avec zèle, douceur et respect; mais enfin il faut dire la vérité. Malheur, malheur à eux s'ils ne la disent pas, et malheur à vous si vous n'êtes pas digne de l'entendre ! Il est honteux qu'ils aient votre confiance sans fruit depuis tant de temps. C'est à eux à se retirer si vous êtes trop ombrageux, et si vous ne voulez que des flatteurs autour de vous. Vous demanderez peut-être, Sire, qu'est-ce qu'ils doivent vous dire; le voici : ils doivent vous représenter qu'il faut vous humilier sous la puissante main de Dieu, si vous ne voulez qu'il vous humilie ; qu'il faut demander la paix, et expier par cette honte toute la gloire dont vous avez fait votre idole ; qu'il faut rejeter les conseils injustes des politiques flatteurs; qu'enfin il faut rendre au plus tôt à vos ennemis, pour sauver l'État, des conquêtes que vous ne pouvez d'ailleurs retenir sans injustice. N'êtes-vous pas trop heureux dans vos malheurs, que Dieu fasse finir les prospérités qui vous ont aveuglé, et qu'il vous contraigne de faire les restitutions essentielles à votre salut, que vous n'auriez jamais pu vous résoudre à faire dans un état paisible et triomphant ? La personne qui vous dit ces vérités, Sire, bien loin d'être contraire à vos intérêts, donnerait sa vie pour vous voir tel que Dieu vous veut, et elle ne cesse de prier pour vous.
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1 : François de Harlay de Champvallon (1625-1695).
2 : Le Père La Chaise (1624-1709).
2 comentaris:
Querido Joan:
Es un texto extraordinario, que denota la data y recorrido del fondo de "sentido común" popular (en el sentido gramsciano) que se acumula -como en la metáfora del motor diesel de Hobsbawm para explicar los procesos revolucionarios- para producir el gran estallido de 1789 y más aún 1793-94.
Es realmente asombrosa la defensa de la paz y el rechazo del militarismo que no se hace sobre consideraciones teológicas -como era habitual en muchos casos de la época, y aunque, obviamente Fenelon utilice referencias a la divinidad, sino que se hace relacionándolo directamente con el sufrimiento popular, una verdadera lectura materialista de los fenómenos políticos y sociales.
Un fuerte abrazo y gracias por el texto
El texto de Fenelon es de1692. Me intriga por su referencia a cosas tan antiguas como la guerra de 1672. Para el 92 el Estatúder se había convertido en el rey de Inglaterra, tras la Gloriosa -si no me hago yo un lío-, y era todo un peligro para Francia. Es cierto que Francia había hecho la guerra contra Holanda en una alianza "impía" con los ingleses...
Por lo demás, es una apuesta fuerte en favor del pueblo y de la paz, pero sobre todo y antes, por el respeto de las instituciones que el rey va liquidando.
El concepto guerra justa es notable también. Procede de toda la traditio. También Vitoria reprocha a Carlos V la guerra contra Francia por el Franco Condado, a pesar de que ha ganado. Instituciones, guerra justa -Aquinate-, la vida de los pobres: este es un horizonte que no me extraña.
Tampoco que considere culpable ante Dios a un mal rey. Lo que veo nuevo es que, al ser una carta, descarga mucho sobre la corte, sobre los "halagos". Pero eso sigue siendo considerar que los reyes no son perfectos y que las instituciones no pueden ser abolidas.
Es el iusnaturalismo, desde luego. Usa un concepto todavía no cosmopolita: cristiandad, y considera, desde luego, que los protestantes son enemigos de Dios, pero rechaza el escándalo de la guerra contra ellos: ellos son legítimos dueños de sus dominios.
Es el debate sobre el "concilio de Costanza": para lo que nos interesa Hus. Para otras cosas, es el que acaba con el cisma tricéfalo de la iglesia y nombra como papa a Martín 5º. Pero además condena y hace quemar a Jan Hus. La tesis de este, que era un revolucionario, y que nos interesa era que una autoridad de pecase y estuviese en pecado, dejaba de poder ser autoridad: un papa fornicatario, un rey ladrón,.... pero la cosa era muy complicada, porque esto daba a los poderes morales eclesiásticos poder de juicio sobre los poderes "del siglo" y todos los ius-naturalistas apoyaron la condena de estas tesis "fundamentalistas" por el Concilio de Costanza. Así, los príncipes luteranos eran legítimos si, conforme a derecho natural, se portaban bien... Desde Vitoria, todos están en pro de esta tesis condenatoria del C de Costanza: no son lícitas en consecuencia las guerras entre cristianos por asuntos de religión....Lo de Costanza, es un nombre a tener en cuenta; como tantas otras cosas, es muy complejo y rompe el alma, porque Hus era "nuestro"...pero el iusnaturalismo en su cosmopolitismo universal es más sabio en eso...
Volviendo a Fenelon, un sujeto que escribe eso sabe que se la juega. Por eso me he encargado -después de leer la carta- el Telémaco, en una edición seguro que menos buena que la tuya, pero solo me la ofrecen en ed. Iberia.
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