Pàgines

dimecres, 14 de novembre del 2012

Dossier Figaro Histoire : Lisez Marc Bloch au lieu de le manipuler !

Extret de: http://aggiornamento.hypotheses.org/1028


Charles Heimberg

Saint-Didier de Formans (Ain) Monument aux Morts dit Monument aux Morts des Martyrs de la Résistance (le nom de Marc Bloch figure sur la partie gauche)

Dans son quatrième numéro daté d’octobre-novembre 2012, le bimestriel du Figaro qui est consacré à l’histoire présente un dossier prétendument dédié à « La vérité sur l’histoire à l’école ». Entre doxa tyrannique sur ce que devrait être la transmission de l’intelligibilité du passé et propos réactionnaires sur les grands héros nationaux et la chronologie, tout y est et rien ne manque. Mais le pire dans ces pages est sans doute de voir associés le maurassien Jacques Bainville et le grand historien Marc Bloch au sein d’un Panthéon des réducteurs de l’histoire à sa seule dimension nationale.
Dans ce dossier, il ne manque aucun ingrédient pour assaisonner une grande régression de l’histoire scolaire : enfermement dans un roman national où se confondent allègrement les mythes et les faits, centration sur des grands personnages au mépris des acteurs collectifs et des subalternes, vision du passé strictement franco-centrée et identitaire, essentialisation de prétendues origines chrétiennes de la France et de l’Europe, retour étonnant à la plus caricaturale des histoires-bataille, fixation obsessionnelle sur l’impérieuse nécessité d’un passage par la chronologie qui aurait prétendument disparu et auquel il faudrait se tenir coûte que coûte, comme si les élèves pouvaient s’approprier des repères temporels pour eux-mêmes, sans aucun lien avec une quelconque réflexion sur le passé et son évolution ; comme si l’histoire n’était pas perceptible dans un enchevêtrement constant de récits et de tableaux, mais seulement dans un récit linéaire fermé et définitif, rythmé par des bornes naturalisées et jamais interrogées.
Ces lieux communs, cette doxa tyrannique, ne sont pas une spécialité française. Privés de toute rigueur scientifique, aussi bien en matière d’histoire qu’en matière de didactique de l’histoire, ils s’expriment à leur manière dans tous les contextes nationaux. Ici, ils s’appuient notamment sur des déclarations anonymes d’enseignants dont il y a lieu de se demander s’ils existent vraiment et quel risque héroïque justifiant leur anonymat ils auraient pris en proférant de telles banalités sur la chronologie et les grands personnages (pp. 45-53).
L’éditorial du Figaro Histoire, page 3, est intitulé « Fils de personne ». Il affirme, parlant des Français, que« nous sommes les descendants de ceux qui nous ont précédés, engendrés et qui nous ont légué un héritage à prolonger, à partager parfois avec ceux qui nous suivront. Le patriotisme est l’amour de la terre des pères ». Page 88, comme nous l’avons déjà déploré, le maurassien Jacques Bainville est associé à Marc Bloch dans une « généalogie des historiens des origines » : quel contresens et quelle manipulation de l’œuvre de Marc Bloch ! Dans son grand texte publié à titre posthume, L’apologie pour l’histoire ou métier d’historien, on lit pourtant que « sous sa forme la plus caractéristique, cette idole de la tribu des historiens a un nom : c’est la hantise des origines. Dans le développement de la pensée historique, elle a aussi eu son moment de faveur particulière ». Plus loin, le cofondateur des Annales ajoute que « le proverbe arabe l’a dit avant nous : « Les hommes ressemblent plus à leur temps qu’à leurs pères. » Faute d’avoir médité cette sagesse orientale, l’étude du passé s’est parfois discréditée » (Marc Bloch, L’Histoire, la Guerre, la Résistance, Paris, Quarto Gallimard, 2006, respectivement pp. 868 et 873). Aujourd’hui, c’est assurément le Figaro Histoirequi s’est discrédité avec une telle tromperie !
Cette référence à Marc Bloch est d’autant plus abusive qu’elle s’appuie sur la citation suivante de L’Étrange défaite : « Il est deux catégories de Français qui ne comprendront jamais l’histoire de France, ceux qui refusent de vibrer au souvenir du sacre de Reims ; ceux qui lisent sans émotion le récit de la fête de la Fédération ». Or, cette citation ainsi isolée perd le sens qui était le sien dans le contexte trouble de 1940. Reprenons donc la même citation en élargissant la focale de lecture. Marc Bloch évoquait alors le Front populaire : « Surtout, qu’elles qu’aient pu être les fautes des chefs, il y avait, dans cet élan des masses vers l’espoir d’un monde plus juste, une honnêteté touchante, à laquelle on s’étonne qu’aucun cœur bien placé ait pu rester insensible. Mais, combien de patrons, parmi ceux que j’ai rencontrés, ai-je trouvé capables, par exemple, de saisir ce qu’une grève de solidarité , même peu raisonnable, a de noblesse : « Passe encore, disent-ils, si les grévistes défendaient leurs propres salaires. » Il est deux catégories de Français qui ne comprendront jamais l’histoire de France, ceux qui refusent de vibrer au souvenir du sacre de Reims ; ceux qui lisent sans émotion le récit de la fête de la Fédération. Peu importe l’orientation présente de leurs préférences. Leur imperméabilité au plus beau jaillissement de l’enthousiasme collectif suffit à les condamner. Dans le Front populaire – le vrai, celui des foules, pas celui des politiciens – il revivait quelque chose de l’atmosphère du Champ de Mars, au grand soleil du 14 juillet 1790 (ibid., p. 646). Il s’agit donc ici, pour Marc Bloch, non pas d’exprimer la nécessité a priori d’une unité nationale fondée sur un mythe des origines, mais celle d’examiner et d’inscrire la construction et l’expression d’un sentiment national, et de tous les sentiments populaires, dans les profondeurs de la société pour en développer une compréhension qui soit susceptible de contribuer à faire face aux enjeux du présent. Parce que l’histoire, en effet, dont l’enseignement, en amont de 1940, ne lui semblait pas avoir été à la hauteur de ses responsabilités, est « par essence, science du changement. Elle sait et elle enseigne que deux événements ne se reproduisent jamais tout à fait semblables, parce que jamais les conditions ne coïncident exactement. Sans doute, reconnaît-elle, dans l’évolution humaine, des éléments sinon permanents du moins durables. C’est pour avouer, en même temps, la variété, presque infinie, de leurs combinaisons » (ibid., page 611). L’histoire scolaire, ce n’est donc pas qu’une affaire de chronologie, mais bien aussi de comparaison et de périodisation. En outre, attachés« presque sans exceptions aux manifestations les plus superficielles de la vie des peuples, qui sont aussi, aux époques voisines de nous, les plus aisées à saisir, nos programmes scolaires entretiennent l’obsession du politique. Ils reculent, pudiquement, devant toute analyse sociale. Par là, ils manquent à en suggérer le goût » (ibid., pp. 638-39).
La référence du Figaro Histoire à Marc Bloch pour défendre une histoire scolaire enfermée dans l’identité nationale, le tout chronologique et les grands personnages du roman national du XIXe siècle constitue donc une parfaite tromperie. Certes, chacun pourrait bien sûr se contenter d’un regard ironique sur une telle prose. Mais ce serait négliger l’ampleur de son potentiel de nuisance. Un potentiel d’autant plus important que les milieux progressistes ont eux-mêmes bien de la difficulté à défendre efficacement un enseignement et apprentissage de l’histoire qui soit susceptible de déboucher sur un vrai accès critique à une intelligibilité du passé, et du présent, des sociétés humaines. L’outrance des propos de ce dossier du Figaro Histoire relève ainsi d’une tactique de plus en plus prisée par la « droite décomplexée », une tactique que nous connaissons bien aussi en Suisse et qui consiste à lancer des propos ou des projets extrêmes pour museler les approches démocratiques et progressistes qui les contrarient (voir ce qu’écrit Marianne Halle dans le Bulletin du Centre de contact Suisses-immigrés, septembre 2012,  à propos d’un projet peu satisfaisant de nouvelle Constitution pour le canton de Genève et d’une nouvelle révision répressive de la loi suisse sur l’asile).
Ce mécanisme n’est pas une spécialité helvétique. Des campagnes ultra-conservatrices de stigmatisation de l’histoire scolaire comme celle à laquelle contribue le Figaro Histoire se fondent sur la même outrance et sur des principes analogues. Elles n’ont guère de chances d’aboutir aux aberrations qu’elles appellent de leurs vœux. Mais elles exercent une pression constante sur le champ de l’histoire scolaire pour le priver de toute perspective d’évolution positive. Il paraît donc particulièrement nécessaire de discuter collectivement, et bien au-delà de quelque frontière nationale que ce soit, de la raison d’être et des modalités souhaitables d’une histoire scolaire consistant vraiment à reconstruire les présents du passé et à mieux faire comprendre le monde tel qu’il est pour pouvoir s’y situer, et y agir le cas échéant, en toute responsabilité et en toute indépendance. Ce qui évitera aussi aux élèves, qu’il ne faut pas prendre pour des idiots, de s’ennuyer à mourir dans les cours d’histoire.

La obra de Marc Bloch manipulada


Par Suzette Bloch, periodista, nieta de Marc Bloch.

Diversos intelectuales e historiadores aprobaron este texto, entre ellos:
Roger Grenier, Dominica Kalifa, Jacques Le Goff, Gérard Noiriel, Antoine Prost, Benjamin Stora, Nicolas Offenstad, Sylvie Aprile, Maurice Aymard, William Blanc, André Burguière, Bernard Chambre, Christophe Charle, Sonia Combe, Christian Delacroix, Olivar Dumoulin, Patrick Garcia, Pascal Jeanne, Isabel Lalou, Christophe Maneuvrier, Massimo Mastrogregori, Vincent Milliot, José Morsel, Didier Panfili, Peter Schöttler, François-Olivar Touati, Pedro Toubert, Sophie Wahnich.

La lectura de Fígaro Historia número 4, puso mi cabello de punta. Se pone al gran historiador Marc Bloch, que pagó de su vida su compromiso en la resistencia contra los nazis, en el mismo plano que al maurrasiano, pro mussoliniano y antisemita Jacques Bainville, miembro de Acción francesa, diario de la ultraderecha monárquica.



Eso no bastó. El último número de Fígaro Historia destaca de nuevo este paso de La Extraña Derrota [1] - libro póstumo que describe el desastre de 1940 - citado, recitado e incluso machacado en una versión truncada y salida de su contexto con el fin de poder archivar a Marc Bloch, en, dixit Le Figaro Historia, el “panteón de los fermentos de unidad nacional”. Ahí está frase: “Hay dos tipos de franceses que no comprenderán nunca la historia de Francia: los que se niegan a vibrar ante el recuerdo de la consagración de Reims; los que leen sin emoción el relato de la fiesta de la Federación.” Esta frase, sin embargo tiene otro sentido si la incluimos en el parágrafo  completo. Marc Bloch evocaba el Frente Popular de 1936 y criticaba el egoísmo de la patronal y de las élites y su incapacidad para entender el impulso de las luchas obreras. Veamos qué dice el inicio del parágrafo: “Sobre todo, cualquiera que hayan podido ser las faltas de los jefes, había en este impulso de las masas hacia la esperanza de un mundo más justo, ante cuya honestidad emocionante es asombroso que ningún corazón bien colocado haya podido seguir siendo insensible. Pero, cuántos patrones, entre los que he conocido, encontré capaces, por ejemplo, de comprender lo que una huelga de solidaridad, incluso poco razonable, tiene de nobleza: la cosa tiene un pase, dicen, si los huelguistas defienden sus propios salarios”.

Pero hay más y peor. He aquí lo que se puede aún leer con respecto a la Extraña Derrota : “Marc Bloch elabora un cuadro deslumbrante de las debilidades recurrentes de Francia: luchas de clases, élites separadas del pueblo, obreros más preocupados del espíritu de disfrute que del sacrificio…” un final de frase que no aparece en ninguna parte en el libro de Marc Bloch y que repite, en realidad, casi palabra por palabra el discurso de Philippe Pétain el 20 de junio de 1940: “Desde la victoria, el espíritu de disfrute triunfó sobre el espíritu de sacrificio.” Los autores de este dossier pretenden apropiarse la figura heroica de Marc Bloch acusando al mismo tiempo a la escuela de los Anales, fundada por este mismo Marc Bloch con Lucien Febvre, de todos los males. La entradilla de un artículo titulado “Vida y muerte del relato nacional” dice esto: “La enseñanza de la historia en la escuela tuvo por objeto durante mucho tiempo mantener el patriotismo de los jóvenes Franceses. La voluntad de traerlo a la objetividad bajo la influencia de la escuela de los Anales condujo paradójicamente a combinar la ignorancia con el comunitarismo.”

Yo habría podido menospreciar esta manera de hacer pero este número de Fígaro Historia va demasiado lejos. Siguiendo el hilo de sus páginas el conjunto de este dossier consagrado a “la verdad sobre la historia a la escuela”, declina tópicos nostálgicos, posiciones conservadoras, héroes viriles y belicosos del relato nacional, posiciones reaccionarias, destilando racismo y xenofobia, utilizando el testimonio de anónimos como si no estuviéramos en democracia. “Cabezas rubias, trata del Negros, madre maghrébine, el lugar del hombre europeo, la identidad francesa, la Francia cristiana”: estas palabras se arreglan en un discurso xenófobo apoyado por una iconografía orientada dónde se pueden ver colegiales puestos en contraste con reproducciones de libros de clase incriminados, una de las cuales con una estrella de David y la bandera norteamericana. En un expediente detallado publicado por el colectivo Aggiornamento histoire-geographie [2], unos historiadores analizan críticamente los distintos artículos del dossier de Le Figaro histoire.
Lanzo la alerta. Existe una tentativa repetida de quemar la democracia. No permitamos que el discurso de una determinada extrema derecha siga difundiéndose en el discurso público e invadiendo el campo intelectual al favor de las declaraciones que atronadoras de la derecha sin complejos  “pan con chocolate” [3].
Por un lado defensa de un retorno a la “historia-relato” bajo la forma de un gran relato nacional magnificado por los grandes héroes como Vercingétorix, Saint-Louis, Jeanne d’Arc ou… Pétain. Por otro, la ocupación de la mezquita de Poitiers por parte de miembros del Bloc identitaire : son dos facetas de una realidad alarmante. Hay que leer y releer Marc Bloch que, en sus escritos clandestinos, dibujaba el contorno de una reforma de la enseñanza : «Importa mucho más al futuro ciudadano francés hacerse una imagen correcta de las civilizaciones de la India o de China que conocer, […] la serie de medidas por las que el « Imperio autoritario » mutó, se dice, en « Imperio liberal». «El pasado lejano inspira el sentido y el respecto a las diferencias entre los hombres y al mismo tiempo, afina la sensibilidad ante la poesía de los destinos humanos», añade. «La historia es un esfuerzo hacia el mejor conocimiento », afirma además en la Apologie pour l’histoire ou métier d’historien [4].
(Traducción: Joan Tafalla, 13 noviembre 2012)

[1] BLOCH, Marc, La extraña derrota. Testimonio escrito en 1940, Barcelona, Crítica biblioteca de bolsillo, 2003. Traducción de Santiago Jordán Santiago.
[2] Véase el artículo: “Dossier Figaro Histoire : Lisez Marc Bloch au lieu de le manipuler !”, escrito por Charles Heimberg
[3] Referencia a una polémica lanzada por Jean-François Copé en relación a la supuesta noticia de que unos islamistas habrían robado el pan con chocolate de la merienda de un niño de la banlieue con el pretexto de que en ramadán no se debe merendar: http://www.lefigaro.fr/politique/2012/10/06/01002-20121006ARTFIG00370-jean-francois-cope-le-pain-au-chocolat-et-le-ramadan.php
[4] Existe traducción al español: BLOCH, Marc, Introducción a la historia”, México, Madrid, Buenos Aires, Breviarios del Fondo de Cultura Económica, 1988. Traducción de Pablo González Casanova y de Max Aub. Pirmera edición en francés: 1949, primera edición en español: 1952.






The earth was made a common treasury for all!!!


M'ha agradat · Fa 59 minuts 

"The law locks up the man or woman,
Who steals the goose from off the common,
But leaves the greater villain loose,
Who steals the common from the goose." (anonymous) This wonderful poem was left as a comment on the timely Zinn Education Project article by Tim Swinehart in GOODcalled "Stealing and Selling Nature: Why We Need to Reclaim 'The Commons' in the Curriculum." Please read and share:http://bit.ly/T1J2z8 Image from:http://bit.ly/T3paeK

L’oeuvre de Marc Bloch dévoyée…






Par Suzette Bloch, journaliste, petite-fille de Marc Bloch. 



Des intellectuels et des historiens ont souhaité approuver ce texte, parmi eux,


Roger Grenier, Dominique Kalifa, Jacques Le Goff, Gérard Noiriel, Antoine Prost, Benjamin Stora, Nicolas Offenstad, Sylvie Aprile, Maurice Aymard, William Blanc, André Burguière, Bernard Chambre, Christophe Charle, Sonia Combe, Christian Delacroix, Olivier Dumoulin, Patrick Garcia, Pascal Jeanne, Elisabeth Lalou, Christophe Maneuvrier, Massimo Mastrogregori, Vincent Milliot, Joseph Morsel, Didier Panfili, Peter Schöttler, François-Olivier Touati, Pierre Toubert, Sophie Wahnich.


A la lecture du Figaro Histoire numéro 4, mes cheveux se sont dressés sur la tête. Marc Bloch, le grand historien qui a payé de sa vie son engagement dans la résistance contre les nazis, y est mis sur le même plan que le maurassien pro-mussolinien et antisémite Jacques Bainville, membre de l’Action française, journal de l’ultradroite monarchiste.
Ce n’est pas la première fois que l’œuvre à portée universelle et la vie irréprochable de Marc Bloch sont récupérées pour tenter de rendre vertueuse une idéologie douteuse qui prône le retour à la préférence nationale. Nicolas Sarkozy, épaulé de ses conseillers, le souverainiste Henri Guaino et l’extrême droitiste Patrick Buisson, était un habitué du genre. En décembre 2009, avec l’historien Nicolas Offenstadt, j’avais tapé du poing sur la table, dans une tribune au Monde intitulée «M. Sarkozy, laissez Marc Bloch tranquille».
Cela n’a pas suffi. Le dernier numéro du Figaro Histoire met à nouveau en exergue ce passage de l’Etrange Défaite – livre posthume décrivant le désastre de 1940 – cité, récité et même rabâché dans une version tronquée et sortie de son contexte afin de pouvoir caser Marc Bloch, dans, dixit le Figaro Histoire, le «panthéon des ferments d’unité nationale». Voici cette phrase : «Il est deux catégories de Français qui ne comprendront jamais l’histoire de France : ceux qui refusent de vibrer au souvenir du sacre de Reims ; ceux qui lisent sans émotion le récit de la fête de la Fédération.» Sauf qu’incluse dans le paragraphe complet, elle a un tout autre sens. Marc Bloch y évoquait le Front populaire de 1936 et critiquait l’égoïsme du patronat et des élites et leur incapacité à saisir l’élan des luttes ouvrières. Voici le début du paragraphe : «Surtout, quelles qu’aient pu être les fautes des chefs, il y avait dans cet élan des masses vers l’espoir d’un monde plus juste, une honnêteté touchante à laquelle on s’étonne qu’aucun cœur bien placé ait pu rester insensible. Mais, combien de patrons, parmi ceux que j’ai rencontrés, ai-je trouvé capables, par exemple, de saisir ce qu’une grève de solidarité, même peu raisonnable, a de noblesse : passe encore, disent-ils, si les grévistes défendaient leurs propres salaires.»
Mais il y a pire. Voilà ce que l’on peut encore lire à propos de l’Etrange Défaite : «Marc Bloch dresse un tableau éblouissant des faiblesses récurrentes de la France : luttes des classes, élites coupées du peuple, ouvriers plus préoccupés de l’esprit de jouissance que de celui de sacrifice…» une fin de phrase qui n’apparaît nulle part dans le livre de Marc Bloch et qui reprend, en fait, presque mot à mot le discours de Philippe Pétain le 20 juin 1940 : «Depuis la victoire, l’esprit de jouissance l’a emporté sur l’esprit de sacrifice.» Les auteurs de ce dossier cherchent à s’approprier la figure héroïque de Marc Bloch tout en accusant l’école des Annales, fondée par ce même Marc Bloch avec Lucien Febvre, de tous les maux. Le chapeau d’un article intitulé «Vie et mort du roman national» dit ceci : «L’enseignement de l’histoire à l’école a longtemps visé à entretenir le patriotisme des jeunes Français. La volonté de le ramener à l’objectivité sous l’influence de l’école des Annales a paradoxalement conduit à conjuguer l’ignorance avec le communautarisme.»
J’aurais pu traiter par le mépris cette façon de faire mais ce numéro du Figaro Histoire va trop loin. Au fil des pages l’ensemble de ce dossier consacré à «la vérité sur l’histoire à l’école», décline clichés nostalgiques, positions conservatrices, héros virils et guerriers du roman national, positions réactionnaires, distillant racisme et xénophobie, utilisant le témoignage d’anonymes comme si nous n’étions pas en démocratie. «Têtes blondes, traite des Noirs, mère maghrébine, la place de l’homme européen, l’identité française, la France chrétienne» : ces mots sont agencés dans un discours xénophobe appuyé par une iconographie orientée où l’on peut voir des écoliers mis en contrepoint avec des reproductions de manuels scolaires incriminés, dont l’une avec une étoile de David et le drapeau nord-américain. Dans un dossier détaillé publié par le collectif Aggiornamento histoire-géographie, des historiens décortiquent les différents articles.
Je lance l’alerte. Il y a tentative répétée de mettre le feu à la démocratie. Ne laissons pas le discours d’une extrême droite continuer à se diffuser dans le discours public et envahir le champ intellectuel à la faveur des déclarations tonitruantes de la droite décomplexée «pain au chocolat». Plaidoyer d’un côté pour un retour à «l’histoire-récit» sous forme d’un grand roman national magnifié par les grands héros tels Vercingétorix, Saint-Louis, Jeanne d’Arc ou… Pétain ; occupation de l’autre de la mosquée de Poitiers par des membres du Bloc identitaire : voilà deux facettes d’une réalité alarmante. Il faut lire et relire Marc Bloch qui, dans ses écrits clandestins, esquissait les contours d’une réforme de l’enseignement : «Il importe bien davantage à un futur citoyen français de se faire une juste image des civilisations de l’Inde ou de la Chine que de connaître, […] la suite des mesures par où « l’Empire autoritaire » se mua, dit-on, en « Empire libéral ».» «Le passé lointain inspire le sens et le respect des différences entre les hommes, en même temps qu’il affine la sensibilité à la poésie des destinées humaines», ajoute-t-il. «L’histoire est un effort vers le mieux connaître», affirme-t-il encore dans Apologie pour l’histoire ou métier      d’historien.